Je ne vais pas m'attarder ici à vous décrire les cartes postales de Cuba, les images connues et reconnues des voitures américaines arpentants les rues de la Havane, du Cubain grattant la guitare au détour d’un chemin arborant les tags aux effigie du Che, ou encore de là grand-mère débardeur sous les seins roulant des cigares barreaux d'chaises... Non, curieux de l'histoire révolutionnaire d'une île caribéene torturée, j'y venais affiner les connaissances que l'on m'avait servit au travers de lecture et docu, mais préférant toujours me faire ma propre idée...
C'est donc l'esprit curieux que nous faisons nos premiers pas en territoire cubain. Documenté sur ce pays multifacettes, il nous tardait de nous mêler à cette histoire si particulière et omniprésente. C'est sur cette île, la plus vaste de la Caraïbe, qu'un homme allait planter au cours du XXème siècle une étoile rouge, créant ainsi un satellite du géant soviétique au porte du géant Yankee alors en pleine guerre froide, afin de guider un combat, celui des pays d'Amérique Latine contre le système capitalisme du nord. Il y renversa le pouvoir et y mène d'une main de fer depuis maintenant plus de 60 ans, sa politique de socialisme révolutionnaire. Car oui, Cuba est toujours en révolution !
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Pintura mural / La Havana |
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Peintura, parada Bus Viazul / Santa Clara |
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Museo de la Revolucion / La Havana |
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Plaza de la Revolucion / La Havana |
Après avoir pris le pouvoir, il y installa une politique communiste ferme, nationalise toute l'industrie du pays et y met en place les libretas, carnets de rationnement. De tout nos voyages, jamais il n'a été si important d’en connaître l'histoire pour comprendre dans quoi nous allons être guidé malgré nous. Car Cuba ne se visite pas sans guide, un guide invisible certes, mais commis d'office, et dont vous aurez mal à vous échapper... Ce guide à un nom bien sûr, un visage, il est omniprésent, peint sur les murs, dans les salles de cours et sur 80% des supports littéraire Cubain, ça non, vous ne lui échapperez pas...
Fidel a depuis peu ouvert le pays au tourisme, et les touristes y affluent. Ce tourisme de masse est parqué au travers des quelques centres d'intérêt choisi par le gouvernement. Comment guider une telle masse de gens me direz vous ? Le plus simplement du monde : créez lui une monnaie propre, des transports, des logements, des restaurants tout en lui interdisant l'accès à la vie cubaine, il n'aura d'autre choix que de s'y plier. Et vice et versa bien entendu. Vision un peu exagérée certes, car il est possible de louer un véhicule et de gagner ainsi son autonomie. Cela sera possible pour ceux qui on la chance d'en trouver un de disponible et dont le portefeuille déborde. Le premier prix est à 80 euros la journée, nous ne nous sommes pas renseigner pour une berline... A ce tarif là, alors que nous y mangions un burger pour minimum 14 euros contre 1,50 ici, nous avions deux jours de location aux Bahamas. De toute façon rien de disponible en ce moment.
J'avais particulièrement envie d'échanger avec les cubains, connaître leur point de vue et leur sentiment sur cette liberté offerte par ce socialisme révolutionnaire, dictature communiste appauvrissant le pays chaque jour un peu plus. Peu parlent le français, heureusement Mel maîtrise un espagnol assuré, franc et n'est pas timide. Elle fera donc la traductrice pendant ce voyage. Les occasions sont cependant assez rares pour aborder ces points délicats avec les locaux. Car si nous n'avons eu aucun mal à les emmener à discuter de ces sujets, sur lesquels ils glissaient avec plaisir, ce n'est pas sous couvert du calfeutrage des fenêtres, des volets, d'une musique de rue, ou en murmure. La peur de la délation et bien la, Joël nous l'avouera à voie basse dans son magasin de bijoux...
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Trinidad |
Trinidad est une ville touristique, sans conteste. Ces foules déversées quotidiennement par les autobus ont métamorphosées cette petite ville de bourgade colorée aux rues pavées. Ici, les maisons qui ont pignon sur rue, ouvrent désormais leur porte et proposent aux passants étrangers les babioles souvenirs exposées dans ce qui, quelques heures plus tard, quand le calme aura regagné les rues, redeviendra le salon d'une famille modeste. C'est ainsi que nous entrons chez Joël, un des cinquante mille habitants la ville. Sa femme, assise sur un tabouret nain, coud des nappes décoratives avant de les exposer sur les murs de la pièce tandis que des dizaine de colliers de graines s'étendent sur des tables faites de planches et trépieds. Les prix sont dérisoires et la qualité de l'artisanat fait main, bien présente. Joel à la quarantaine, deux enfants, et comme un faible pourcentage de Cubain, a su tirer profit de cette arrivée en masse de devises étrangères dans sa ville. Il est bavard, très bavard... Sa boutique n'est qu'un passe temps, il a monté une « Casa particular", une des quasi 1000 chambres chez l'habitant de la ville. Les tarifs oscillent entre 20 à 40 $ la nuit, un tiers étant reversé comme impôts. Environ deux fois le salaire mensuel distribué aux camarades par le gouvernement, 18$ mensuels. Inutile de préciser qu’un fossé se creuse vitesse grand V entre ces villes « visitées » et le reste du pays. Nous converserons un long moment dans sa boutique alternant coup de gueule et chuchotement. Il nous en apprendra long sur la vie cubaine vécue par un Cubain. Parmi les choses marquantes, à titre d’exemple, il accepte mal l'endoctrinement de ses enfants par le parti. Car c'est bien le parti qui éduque. Ainsi, comme j'avais pu le constater peu de temps avant en discutant avec un professeur d'anglais de Trinidad, lequel m'était assez antipathique, l'éducation cubaine est (selon eux) la plus performante et ne tolère aucune remise en question, d'ailleurs c'est la seule qui est gratuite dans ce monde, le saviez vous ? En toute logique, quand Joel explique à son enfant de 8 ans une version légèrement différente de celle enseignée sur les bancs de l’école, il se voit convoqué par l'établissement et contraint de corriger sa version des faits à son chérubin. Sinon ? Sinon, on ne sait pas...
Nous aurons à plusieurs reprises l'opportunité d'être enrichie par ce genre de rencontre, aussi éphémère que fortuite. Franck, serveur dans un bar d'état, cumule deux emplois à la cinquantaine passée. Une Casa particular, qu'il gère les jours où il ne travaille pas et barman pour le compte du parti de 7h du mat à minuit, le reste du temps. Il sert à une jeunesse touristique pleine aux as des mojitos bon marché et excellents...
Manuel, le seul Cubain parlant français avec qui j'ai pu parler, est de passage à Cuba pour 3 mois. Il vit en France, sur Paris depuis 4 ans, travaille au black sur des chantiers et touche le RSA. Trop dur sur Paris, il a décidé de rentrer sur Cuba mais ayant vécu 4 ans à l'étranger, il n'est autorisé à resté que trois mois sur le territoire, il se retrouve Cubain destitué ! On sort de bars, un peu éméchés et la voix de ce Manuel marginalisé porte. Nous sommes assis sur une terrasse et sirotons un devinez... Il aborde sans complexe les sujets les plus délicats et les sons « Castro, Fidel, Raul, c'est le bordel ici », intriguent. Quelques minutes plus tard, les portes des serveurs de mojitos se ferment, nous devrons partir, fin des discutions...
Le lendemain matin est rude. J'ai abusé du rhum et mon estomac ne supporte plus ces excès... Nous marchons dans les rues de Trinidad sous une chaleur accablante en attente d'un transfert pour le village de Topes de Collantes, on su à grosse goûte. Il se situe à presque mille mètres d'altitude, l'air y sera frais, les touristes plus rares. Depuis la Havane je ne supporte plus les agressions permanentes des taxis, vélotaxi, musiciens et toutes autres excuses pour vous taxer du blé. Les musiciens tiens...
Mondialement connue pour sa musique, Cuba fourmille de petits groupes qui déambulent dans les rues. En terrasse d'un café, au restaurant, les musiciens viennent vous offrir les airs cubains contre la pièce où le billet, mais le billet c'est mieux. A La Havane, la déception est de mise, car si la musique y est omniprésente, la variété manque. Sur la bonne vingtaine de groupes que l'on a vu défiler, tous sans exception ont jouer exactement les mêmes morceaux... Compay Segundo et le Buena Vista Social Club sont largement représentés, mais non, aucune composition inconnue. Toutefois, UN groupe de jeunes aura fait mouche à Trinidad avec un répertoire personnel mêlant rock et folklore Cubain, un délice !
Les balades en ville m'insupportent de plus en plus. Les sollicitations que suscitent notre richesse tant convoitée, rendent ces moments invivables. De plus, les cubains sont au cas par cas très sympathiques, mais d'un point de vue d'ensemble, sont d'une tristesse déconcertante. Nous ne retrouvons pas ici la chaleureuse humeur qui fait force en Caraïbes, les sourires sont rares. Nous mettrons cela sur le compte de ces longues années de privations, forgeants ainsi un caractère rude et des traits de visage fermes. De ce point de vue, on ressent plus la bonne humeur légendaire d’ex URSS que le frivole caribéen !
Nous partons donc pour deux jours de balades en forêt. Nous avons loué deux chambres dans une casita au cœur du parc, il va s'avérer que l'on y sera seul...
Je me sens ici plus chez moi. On ne croise pas grand monde, la nature est envahissante, humide ; oiseaux et insectes mêlent leurs chants, créant une atmosphère envoûtante, le pied ! Chaque jour les orages déchirent le ciel vers les quatre heures de l'après midi, Mel sursaute, ces décharges d’énergie m’impressionnent. On savoure ces deux jours salvateurs, au programme, balades en forêt, accumulation de courbatures et photos pleine nature.
Nous retournons au bateau épuisés par cette semaine mouvementée. Rarement nous aurons autant arpenté les rues. Je suis plutôt du genre à me poser pour m'imprégner d'un lieu, Mel à flâner et Aurel, lui est plus d'humeur vagabonde pour en voir le maximum. Nous aurons mêlé ces attitudes et sans avoir vu le tout Cuba, rentrons avec les quelques réponses que nous attendions et Aurel avec ses clichés. Les 6 heures de bus s'achèvent bientôt, nous débarquons à Varadero. Un dernier taxi et nous serons à bord de Véga qui nous attend dans cette marina déserte. On prévoit la journée de vendredi pour préparer le bateau puis ferons route vers l'est de l'île et ses cayes qui s'étendent sur les 120 premiers miles. Ensuite il sera temps de lâcher Aurel pour continuer sur les villes plus perdues de Cuba. Peut être y trouverais-je de nouvelles réponses…